Mahamadou Issoufou ou le parcours sinueux de la trahison en politique

Mohamed Bazoum a eu la faiblesse excusable de croire qu’il ne sera pas victime de la trahison de Mahmadou Issoufou comme d’autres avant lui. Il est de notoriété publique que l’ancien président du Niger s’est toujours retourné contre ses différents bienfaiteurs de tous les horizons . Il se plaît comme personne à rompre unilatéralement ses alliances les plus anciennes et sacrées, n’hésite pas le moins du monde à briser des pactes séculaires qu’il a scellés avec les uns et les autres, dans sa vie tortueuse. Il le fait avec un brin de cynisme et sans le moindre remords . A tout casser, Il ne se sent redevable à personne, n’est fidèle pour ainsi dire qu’à lui-même et à ses intérêts du moment, d’un instant fugace. L’éthique et la morale lui importent peu. Tant pis pour qui se fie et se confie à lui, de bonne foi.

Mahamadou  Issoufou, ne regarde pas dans le rétroviseur, foule aux pieds les règles de bienséance, convaincu qu’il est que la fin justifie les moyens. Jusqu’ici, cela semble lui réussir, à merveille. Mais sa dernière trahison, compte tenu de son impact économique, politique et moral sur l’ensemble du pays lui sera fatale. Elle a la particularité de mettre à nue tout son passé de traître et de permettre de cerner le monstre qu’il a toujours été, mais que très peu de personnes avaient vu.

Blaise Compaoré a eu tort de parier sur lui. L’ancien président burkinabé est l’homme qui lui a mis le pied à l’étrier. Le PNDS , le parti de Issoufou a été créé, sous ses auspices. L’objectif visé était de mettre fin à l’hégémonie dans la vie politique nigérienne du MNDS, fondé par Seyni Kountché . Ce parti-Etat dont Mamadou Tandja a hérité régnait sans partage dans l’arène politique nigérienne. Grâce à l’appui financier considérable de Blaise Compaoré, Mahamadou  Issoufou et ses compagnons ont cassé le quasi-monopole du vieux parti. Une coalition formée par trois formations politiques, à savoir le CDS-Rahama, le PNDS-Tarayya et l’ANDP-Zaman Lahia a porté le coup de grâce au parti-Etat à l’occasion des élections de l’année 1993. . En effet, trois personnalités ont décidé de former un bloc compact pour conquérir le pouvoir. Dans l’accord historique conclu, il a été prévu un partage équitable de pouvoir entre le trio engagé dans l’alliance politique et électorale. En cas de victoire , la présidence de la République revenait à Mamane Ousmane , la présidence de l’Assemblée nationale à Moumouni Adamou Djamakoye et enfin la Primature à Mahamadou Issoufou, himself. Ce dernier, nommé Premier ministre, deux ans après, a voulu contrôler tous les marchés et contrats publics. Contrarié, à la stupeur générale, il s’allia à l’ennemi commun, le MNSD. Cette alliance aussi inattendue , improbable qu’incongrue, fit perdre à la coalition au pouvoir sa majorité parlementaire confortable. Il s’ensuivit une crise institutionnelle, une tension politique, sans précédent. C’est dans ce climat délétère que l’officier Ibrahim Bare Mainassara perpétra son coup d’Etat. Mahamadou  Issoufou s’était réjoui de l’intervention de l’armée parce qu’il avait à l’esprit qu’elle lui profiterait. Une nouvelle fois, désabusé, il avait salué le renversement de IBM par le commandant de la garde présidentielle Daouda Malam Wanke . Il avait pensé que cette fois-là serait la bonne. Ainsi, fera-t-il une cour assidue au nouveau Chef de l’Etat auquel il avait apporté son soutien, dans le secret espoir qu’il lui passe la main. Pour son grand dépit, c’est Mahmadou Tandja qui l’a coiffé au poteau et qui succédera au putschiste.

A cette élection de 1999, Mahamadou Issoufou était arrivé au second tour. Une performance réalisée grâce au guide libyen Mouamar Kadhafi qui avait mis la main à la poche. Le défunt guide Lybien avait reçu le Président du PNDS à la demande expresse de Blaise Compaoré. Celui-ci avait mis son avion à la disposition de Mahamadou Issoufou pour les besoins de son déplacement à Tripoli. A cette occasion, le guide libyen avait rassuré son hôte que quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle, il continuera à le soutenir. Même après sa défaite, Mahamadou Issoufou a continué à bénéficier des largesses du Guide. Il se murmure qu’à la fin de chaque mois, à cette époque, il recevait une aide financière conséquente pour le financement de son parti. C’est dans cette manne que Issoufou a puisé pour installer l’une de ses épouses à Paris où lui-même avait pratiquement fini par élire domicile. Pendant qu’il se la coulait douce avec sa famille, ses camarades du parti, avaient du mal à joindre les deux bouts, l’argent utilisé à d’autres fins, dépensé à la seule discrétion du Président qui le percevait directement.

Blaise Compaoré, pour sa part, continuait à financer aussi grassement le PNDS.

Malgré leur assistance déterminante dans le combat de Issoufou, couvé par eux, son ami et lui, ont été floués sur toute la ligne et malencontreusement . Un peu avant sa chute, se sentant perdu, Khadafi a adressé une courte lettre à l’ancien président nigérien. Il lui avait confié qu’il avait choisi de lutter et résister jusqu’au bout , mais n’avait plus de chances de se relever. Aussi, lui confie-t-il son fils, Saadi. Mahamadou Issoufou avait accueilli le fils du guide. D’autres aussi s’étaient proposés de lui accorder l’asile. Mais, l’ex-président nigérien a décliné toutes les offres, estimant qu’il était de son devoir sacré de secourir la famille en détresse de son soutien financier, pour s’acquitter d’une dette morale. Il n’aura pas fallu longtemps pour qu’il revienne sur sa parole. Il a livré le fils Khadafi, sans états d’âme et à l’insu de tout le monde lorsqu’il lui a été proposé de l’argent. C’est dans les médias que ses plus proches collaborateurs ont appris sa forfaiture. Seul, le chef de ses services et son homme à tout faire aussi retors que lui, Lawal Chekou Koré , chargé d’exécuter la sale besogne , a été mis dans la confidence. 

Quant à Blaise Compaoré, Mahamadou Issoufou est l’un des artisans de ses malheurs. Il a financé la subversion contre lui. Salif Diallo, son ex-bras droit et dissident de son régime, fut soutenu substantiellement par Mahmadou Issoufou pour le renverser. C’était un secret de polichinelle.

Un autre acte qui témoigne de la déloyauté de Mahamadou Issoufou est la violation des termes de l’accord qui l’a porté au pouvoir.

Quand il y a eu le coup d’Etat de Salou Djibo, Mahamadou Issoufou a sollicité et obtenu du nouveau maître du Niger un arrangement pour lui permettre d’accéder au pouvoir. Le directeur de cabinet adjoint de Salou Djibo Hassane Alkali , dans son premier cercle, lui force la main pour qu’il fasse un pacte avec Mahamadou Issoufou alors qu’il était loisible de choisir Hama Amadou qui avait une proximité naturelle avec lui. Il était question que le candidat du PNDS, a l’issue de ses deux quinquennats, donc au bout de dix ans, cède le fauteuil à Salou Djibo. Le marché ainsi conclu, Mahamadou Issoufou accède au second tour. Salou Djibo mettra tout son poids pour convaincre Hama Amadou de soutenir Issoufou Mahamadou contre Seini Oumarou. Le ministre Abdou Labo avait joué un rôle décisif dans le rapprochement Hama-Issoufou. Tous les protagonistes se jurent fidélité et loyauté sur le livre saint, s’engagent, solennellement, à ne jamais se trahir. 

Une fois, au pouvoir, Mahamadou Issoufou, procéda à l’arrestation immédiate de Hassan Alkali pour des raisons obscures. Le pauvre, mourra, quelques temps après par dépit, foudroyé par une crise cardiaque qui ne peut s’expliquer que par la violence de sa déception.

Chacun sait aussi combien de fois Hama Amadou a été persécuté, conduit en prison, forcé à un long exil, à travers des artifices judiciaires pompeux. Abdou Labo fut aussi mis en prison. 

Pour revenir à Mohamed Bazoum, lorsque Baré Mainassara a réuni les membres de son gouvernement pour obtenir leur ralliement à sa candidature à la Présidence de la République , seul, lui, s’est démarqué, en clamant, haut et fort qu’il a pour candidat, Mahamadou Issoufou, qu’il est incapable d’abandonner. Il a campé sur cette position de principe et d’honneur et est resté incorruptible. 

Autant Mohamed Bazoum ne se renie pas et ne se défausse pas, autant son alter ego, Mahamadou Issoufou est versatile et opportuniste.

A ce jour, il n’y a pas un homme politique nigérien qu’il n’a pas tourné en bourrique. Il n’y a pas un ancien président du Niger aussi détesté et méprisé que lui, mêlé à d’innombrables scandales, porté à l’enrichissement personnel et illicite effréné. 

Mahamadou Issoufou est aussi un ingrat notoire. Depuis qu’il est exilé en Côte d’Ivoire, Blaise Compaoré, reçoit de tous les chefs d’Etat africains de passage à Abidjan , la capitale ivoirienne, des messages de sympathie et de solidarité. Seul, son ancien protégé nigérien, qui lui doit pourtant plus que tous les autres l’ignore royalement.

Mahamadou Issoufou, est vraiment un personnage complexe et inconséquent, à tous les égards. Lui, qui s’oppose, aujourd’hui, à une intervention militaire au Niger, dans son pays, a été le seul chef d’Etat de la CEDEAO à préconiser à Accra à la réunion qui a suivi le putsch au Mali le recours à la force pour rétablir l’ordre constitutionnel. Il s’est battu comme un lion pour que sa position prospère. Qu’est-ce qui a changé depuis pour qu’il fasse volte-face ?

Non content de s’opposer à l’opération militaire envisagée par la CEDEAO pour déloger les putschistes nigériens,  il tente de mobiliser les acteurs politiques de son pays de tous les bords afin d’apporter leur caution à la junte. Il appelle ses partisans à ne pas laisser le champ libre à son frère ennemi Hama Amadou qui, à ses yeux, ne peut aller très loin. Malgré son soutien affiché à la junte et les manifestations tonitruantes de ses militants en faveur des putschistes, il reste à la marge. Tout doit être fait pour lui barrer la route et l’empêcher d’entrer dans les bonnes grâces d’une junte à sa dévotion. 

De toute évidence, Mahamadou Issoufou continue de tirer les ficelles afin qu’il puisse encore peser sur le destin du Niger, en faisant et défaisant les hommes à sa guise, en fonction de ses seuls intérêts égocentriques. Trahir, encore trahir et toujours trahir est la trajectoire qu’il a choisie pour compter chaque fois, c’est aussi cette voie du déshonneur et de la déloyauté qui scellera son sort définitivement. Il ne peut indéfiniment prendre le Niger en otage et se moquer des Nigériens. Son actuelle trahison scelle la fin de son parcours politique fait de perfidie et de roublardise. Lui, le narcissique aimant tant les honneurs sera mis au ban de la communauté internationale et méprisé dans son pays comme un infâme. Ceux qui le connaissent vraiment n’ont jamais cru qu’il puisse finir en beauté, comme on l’avait pensé en 2021. Ils savaient qu’un traître ne peut avoir un destin aussi honorable: être le maître d’œuvre d’une si belle alternance démocratique et même bénéficier d’un prix Mo Ibrahim dont Mandela fut le premier récipiendaire. «  chassez le naturel, il revient au galop ». Le 26 juillet le naturel du monstre a pris le dessus. Même dans l’au-delà Neslson Mandela et Mahamadou Issoufou ne seront pas au même endroit: l’un est béni de Dieu, l’autre est un maudit. 

DOCTEUR MOHAMED CAMARA

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