Sortie en forme d’aveu du Président Mahamadou Issoufou

L’ancien Président nigérien, Issoufou Mahamadou, est sorti finalement de sa réserve, trois semaines après les malheureux événements du 26 juillet ; et c’est pour annoncer, urbi et orbi, qu’il n’est aucunement lié à ces événements et qu’il exige lui aussi la libération et le rétablissement dans ses fonctions du Président Mohamed Bazoum. Cette sortie de l’ancien Président, dans un entretien exclusif au journal Jeune Afrique, nous la devons, d’abord, à ceux qui, ayant appris qu’il s’apprêtait à quitter le pays, ont mis le holà et lancé un appel à la mobilisation pour l’en empêcher ; mais aussi, à ceux qui, dans les rangs mêmes de son propre parti, le Pnds-Tarayya, n’ont eu de cesse, ces derniers jours, de le mettre, ouvertement et directement, en cause, à travers des publications diverses sur les réseaux sociaux. 

En tout cas, dans son entretien au journal Jeune Afrique, l’ancien Président affirme que les événements du 26 juillet l’ont surpris lui aussi, un peu comme tout le monde, peut-on dire ; et il précise même qu’il s’est senti « insulté, meurtri dans son intelligence », en apprenant qu’il est accusé de « manipuler les généraux, voire d’être le cerveau du putsch », non sans ajouter qu’il n’a rien à y gagner, et tout à perdre. L’ancien Président, qui estime que ces accusations viennent ceux qui ont cherché, dès le premier jour, à le diviser avec son ami Mohamed Bazoum, s’est défendu, non seulement de lui avoir imposé le maintien du général Tiani à la tête de la garde présidentielle, mais aussi d’intervenir, auprès de lui, « en faveur ou en défaveur de qui que ce soit ». 

Au cours de son entretien, l’ancien Président, qui dit approuver toutes les décisions prises par la CEDEAO, y compris l’option d’une intervention armée, s’est toutefois fourvoyé en laissant entendre qu’il s’inscrit toujours dans « une démarche de médiation avec les militaires qui ont pris le pouvoir » ; car, en endossant le prestigieux boubou de médiateur dans cette crise, il ne semble pas se rendre compte que, dans cette posture, il ne peut dissiper les soupçons, ni de certains de ses propres camarades qui voient en lui l’instigateur même de la crise, ni de la plupart des soutiens de la junte militaire qui sont même écœurés de le voir en liberté. C’est dire donc combien l’exercice est très osé de la part d’un homme que personne n’a jamais pensé voir tenir un si beau rôle dans un moment aussi critique, marquée par la prise de pouvoir par l’armée.

Après avoir lu son entretien dans les colonnes de Jeune Afrique, nombre d’acteurs politiques et sociaux nigériens retiendront que l’ancien Président, récipiendaire du prix Mo Ibrahim, n’a pas condamné clairement le coup d’état militaire du général Tiani ; et même s’il laisse entendre que sa préoccupation première est de voir le Président Bazoum libéré et réinstallé dans ses fonctions, il est difficile que sa sortie ne soit pas ressentie par certains comme une sorte de coup de poignard dans le dos de ce dernier. Les propos de l’ancien Président, et c’est important de le relever, visent d’abord à nier toute connivence avec le chef de la junte militaire ; et donc d’une certaine manière à dissiper le doute qui s’est installé chez nombre de ceux qui l’ont, dans un élan fort volontariste, soutenu bruyamment, en espérant justement qu’elle solderait tous les comptes de sa gestion de 10 ans du pays.  

Quoi qu’il en soit, il reste clair que, pour nombre d’acteurs politiques et sociaux, les propos tenus par l’ancien Président Issoufou Mahamadou dans les colonnes de Jeune Afrique sont ceux d’un homme finalement pris à son propre jeu. Ces propos ne peuvent réjouir ni le général Tiani, qui va avoir du mal à faire avaler à ses propres soutiens le fait même de laisser son ancien patron en liberté, ni le Président Bazoum, qui paie déjà pour sa loyauté toute naïve envers lui.  Le Président Issoufou, qu’il l’admette ou pas, tient au moins une certaine responsabilité dans la crise en cours au Niger ; car, c’est son influence toujours visible et forte dans la conduite des affaires publiques qui a décidé beaucoup à soutenir un putsch qui coûte déjà très cher au pays. La restauration de l’ordre constitutionnel, que le Président Issoufou lui-même croit encore possible, marquera, certainement, la fin de cette influence négative ; et il faut y œuvrer résolument en gardant à l’esprit que cette crise a ouvert la voie, sans que ce ne soit forcément le but réel de ceux qui l’ont enclenchée, à une mise à plat du lourd passif de celui qui s’est cru destiné à régenter toujours la vie publique au Niger.

MOUSSA TCHANGARI

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