Les chefs d’Etat des pays membres de la CEDEAO se sont réunis le jeudi 10 août 2023 à Abuja, au Nigéria, pour se pencher sur la situation politique au Niger après l’expiration de l’ultimatum et les différentes médiations entreprises pour faire plier le général Abdourahman Tchiani.
Pendant le huis-clos des dirigeants ouest-africains qui se déroulait dans une salle hermétiquement fermée sans possibilité de fuite d’informations, à Niamey, les putschistes s’adonnaient à leur sport favori: le mensonge, la manipulation et la propagande. Ainsi, ils ont énormément fabriqué et publié des Fake News pour dire aux Nigériens que la voie diplomatique est l’option privilégiée par la CEDEAO pour le dénouement de la crise. Leur usine de production du dilatoire a fonctionné tellement à plein régime pour vendre de l’illusion aux populations que les putschistes eux-mêmes ont fini par croire à leur propre mensonge et propagande.
Déjà la veille du sommet de la CEDEAO, les officiers félons de Niamey ont fait diffuser des informations mensongères sur une rencontre entre le Président nigérian Bolo Tinubu et des leaders religieux très influents qui lui auraient demandé de peser de tout son poids en tant que Président en exercice de la CEDEAO pour faire lever les sanctions imposées au Niger dans l’intérêt supérieur du peuple nigérien durement frappé par ces mesures drastiques de l’organisation sous-régionale. Les propagandistes de la junte ont également saisi la réunion du Sénat du Nigéria pour faire croire que le Président Tinubu ne peut pas engager son armée.Il n’en est rien du tout, le sénat ayant simplement un rôle consultatif.
Quelques jours auparavant, les cellules de propagande des preneurs d’otages du Président Mohamed Bazoum, de son épouse et de son fils Salem ont fait circuler l’information selon laquelle l’ancien Émir de Kano Muhammadu Sanussi II qui a été reçu par le général Tchiani, en compagnie du Sultan de Zinder, est venu pour apporter son soutien et celui du Nord du Nigéria aux putschistes. Une grande campagne de communication a été menée à Niamey pour faire naître l’espoir et l’euphorie chez leurs partisans pessimistes et espérer convaincre les millions de Nigériens qui n’ont pas adhéré à leur aventure périlleuse. Mohammadu Sanussi II etait plutôt venu au nom du Chef de l’État Nigérian pour une médiation officielle et une ultime tentative de faire passer les messages que le général félon et ses compères refusaient d’écouter ou de recevoir.
La propagande et la manipulation orchestrées autour de la rencontre entre le chef de la junte et l’ancien Émir de Kano a accouché d’une souris. Le fil du mensonge était malheureusement trop gros à avaler. Ancien Gouverneur de la Banque centrale du Nigéria, Mohammadu Sanussi II est un guide religieux et une personnalité très respectée au Nigéria. Ami du Chef de l’Etat ivoirien et est très attaché à la démocratie, l’ancien Émir de Kano ne va en aucun cas apporter un soutien aux braqueurs des institutions de la République du Niger.
Avant le début du sommet d’Abuja, il a été la première personnalité à être reçue par le Président Tinubu. Son constat est le même que celui de l’émissaire américaine, la sous-secrétaire d’Etat Victoria Nuland, qui a trouvé des putschistes irrespectueux, arrogants, sourds aux conseils et muets face aux plaidoiries pour les faire entendre raison.
Toute les gesticulations et la campagne de communication mensongère du CNSP ont été vite rattrapées par la dure réalité.
En effet, le sommet de la CEDEAO a été une continuation du précédent. Les positions n’ont pas varié. Les sanctions financières et économiques sont maintenues et l’option militaire est retenue pour déloger le général Tchiani afin de réinstaller Mohamed Bazoum dans ses fonctions de Chef d’Etat. A l’occasion de cette rencontre d’Abuja, tous les pays ont adopté une posture de fermeté.
Un Chef d’Etat nous a confié que rarement il a vu le Président ivoirien Alassane Ouattara dans une telle colère. Il a été très ferme et a montré sa détermination à débarrasser le Niger des usurpateurs du pouvoir d’Etat. La même posture de colère, de fermeté et de détermination a été observée chez Patrice Talon qui a fait un discours complet, sans omettre un seul élément. Macky Sall du Sénégal a été très ferme et très clair: il n’est pas question de laisser des militaires imposer leur arrogance à la sous-région. Le Bissau-guinéen Umaro Emballo Sissoco a été tranchant et le Ghanéen Nana Akufu-Addo a été formidable dans son intervention. Du reste, une réunion des chefs d’état-major des forces armées des pays membres de l’organisation est prévue à Accra le 12 août dans le cadre des opérations militaires qui sont imminentes si le général Tchiani continue de faire la sourde oreille et persiste dans ses errements. Même le Président Mohamed Ould El-Ghazaouani de la Mauritanie qui n’est pas membre de la CEDEAO a pris la parole pour condamner le coup d’Etat et soutenir le retour à l’ordre constitutionnel par tous les moyens.
Le ministre des Affaires étrangères du Niger, Hassoumi Massaoudou, qui a participé au sommet au nom du Président Bazoum a fait un exposé détaillé sur les évenements de Niamey. Son discours a été très brillant et il a reçu les félicitations du Président Alassane Ouattara.
De retour à Abidjan, ce dernier s’est adressé à la presse. D’un ton ferme, il a énuméré les décisions du sommet d’Abuja notamment la libération sans délai et sans condition du Président Mohamed Bazoum qui demeure le Président légal et légitime du Niger reconnu par la communauté internationale et l’option militaire qui se matérialse par l’activation des forces en attente de la CEDEAO. Par la même occasion le numéro1 ivoirien a annoncé que son pays va contribuer aux opérations militaires avec un bataillon compris entre 850 et 1100 hommes aux côtés du Nigéria et du Bénin notamment avec d’autres pays qui les rejoindront.
Dans la foulée, le gouvernement français a fait un communiqué pour apporter son plein soutien aux décisions de la CEDEAO en vue de restaurer l’ordre constitutionnel parmi lesquelles l’activation de la » force en attente ».
Washington, par la voix de son secrétaire d’Etat Antony Blinken, apporte également son soutien à la CEDEAO après sa décision de déployer sa force en attente.
La Commission de l’Union Africaine a de son côté publié ce 11 août un communiqué pour denoncer la détention du Président Bazoum et de sa famille et la dégradation de ses conditions de vie tout en appellant putschistes a revenir à la raison.
Il est important de noter que l’ancien Président Mahamadou Issoufou a mobilisé des chefs tradiotonels nigériens pour mener des plaidoiries auprès des Chefs d’Etat. Devant l’intransigeance des dirigeants ouest-africains, ils n’ont pas pu faire passer leur message. Il en est de même pour la délégation composée de députés qui a fait le pied sans avoir à échanger avec un seul interlocuteur. C’est dire que toutes les manœuvres de Mahamadou Issoufou se sont soldées par un échec cuisant.
A y voir de près les militaires qui se sont autoproclamés nouvelles autorités du Niger sont dangereux pour eux- mêmes, le peuple nigérien, le Niger et toute la sous-région ouest-africaine. Comment peuvent-ils pousser l’outrecuidance et l’inconscience au point de défier le monde entier en restant sourds et muets face aux appels pour une sortie heureuse de crise?
En tout état de cause, ils jouent gros car le rouleau compresseur de la CEDEAO est en marche et les écrasera. Des sanctions ont été prises contre tous les officiers de la junte, les membres du CNSP et tous les ministres du gouvernement illégtime ainsi que leurs familles. Elles seront appliquées avec la plus grande rigueur.
Les plus grands perdants dans cette tentative de coup d’Etat au Niger ne sont autres que le général Salifou Modi et le chef de l’exécutif Lamine Zeine. Le Premier ministre, en acceptant cette nomination vient de détruire sa carrière politique et de compromettre son brillant parcours professionnel.
SAMIR MOUSSA, NIAMEY/NIGER