Le combat pour l’émancipation des peuples noirs et de leurs descendants n’est pas uniforme (PAR FARIDA BEMBA NABOUREMA)

Le combat pour l’émancipation des peuples noirs et de leurs descendants n’est pas uniforme. Il prend plusieurs formes, et ses tenants et aboutissants varient également en fonction des sphères dans lesquelles les peuples noirs opprimés se trouvent et du type d’oppression auquel ils sont confrontés.

Il y a près de dix ans, j’ai eu un débat avec un militant afro-américain sur ce que représentait Barack Obama, le premier président afro-descendant des États-Unis. C’était juste avant la fin de son premier mandat, ou plutôt à la suite de ses positions vis-à-vis de la Côte d’Ivoire et de la Libye en 2011 lorsqu’il s’est rallié à la France pour faire la guerre à des peuples africains, ce qui a confirmé mes appréhensions sur lui. 

Ma position était que l’ascension de Barack Obama à la magistrature suprême aux États-Unis était un non-événement pour nous Africains, car il a joué le rôle du dirigeant américain impérialiste auquel nous sommes habitués avec ses prédécesseurs. 

Le frère afro-américain, bien qu’il compris ma désapprobation   Barack Obama, m’a ouvert les yeux sur un fait dont je n’avais jamais réalisé l’ampleur: la question de la représentativité et le rôle que cela joue sur le psychique d’un peuple. Il m’a fait comprendre que pour nous autres (Africains qui sommes nés en Afrique, avions grandi en Afrique) qui avons et ont connu des chefs africains, des rois africains, des présidents africains dans notre quotidien, sommes soignés par des médecins africains, éduqués par des enseignants africains qui nous ressemblent, nous ne pouvons pas comprendre l’effet que cela fait. Nous sommes loin  d’imaginer ce que cela représente pour eux, les Afro-Américains qui, depuis des dizaines de générations, sont le groupe racial le plus subalterne des Amériques, le groupe le plus marginalisé, le plus humilié et le plus déshumanisé. Ce le groupe surlequel des milliards ont été investis dans des études eugénistes pour prouver « scientifiquement » leurs prétendues déficiences intellectuelles et les réduire au rang d’animaux. Nous africains d’Afrique ne pouvons pas comprendre ce que cela représente pour un tel groupe : les Afro-Américains, d’avoir quelqu’un qui leur ressemble occupant le poste politique le plus important de ce pays qui les a longtemps stigmatisés. Pour eux, cette représentation seule suffit à prouver à tout enfant Afro-américain qu’il peut aussi être président et même si le premier président Noir n’aura pas contribué à grand chose à l’émancipation des Noirs, ce qu’il incarne et représente est déjà une victoire pour eux car ceci permet de démystifier beaucoup de mythes sur les Noirs que les racistes avaient juré ne gouvernerait jamais les états-unis. Pour eux, c’était comme une validation, une forme de qualification qui déconstruit d’abord un mythe. La prochaine étape sera d’avoir un jour un président pas que Noir de peau ou de sang mais d’esprit, de valeurs et de conviction. 

Cette conversation m’a fait réaliser à quel point j’étais privilégiée d’être Africaine, née en Afrique et ayant grandi en Afrique. Elle m’a permis de comprendre que lorsque nous autres, dans nos apprenons l’histoire de nos empires, de nos empereurs, l’histoire des héros de nos indépendances, et que malgré cela, nous nous sentons opprimés, les descendants noirs dans d’autres régions du monde ignorent presque tout de leurs origines, de leur histoire, et de la politique africaine contemporaine. Nombreux ne savent même pas qu’en Afrique nous avions aussi des présidents car ils ont été désinformé et tenus dans l’ignorance totale. 

Pour nous en Afrique, le combat a toujours porté sur l’expulsion des impérialistes pour mettre fin à notre occupation et domination. Pour eux, le combat est davantage axé sur la manière de s’affirmer en tant qu’être humain, de prouver qu’eux aussi sont capables de créer, de diriger et de construire. Nous autres Africains en Afrique n’avons pas à prouver à qui que ce soit au sein de nos pays qu’en tant qu’Africains, nous sommes des êtres humains au même titre que toute autre race.

Cela m’a également permis de comprendre pourquoi la diaspora africaine, notamment les descendants africains, attache tant d’importance à la représentativité. Si pour nous, elle n’apporte pas grand-chose et est vue comme étant superficielle, pour eux, c’est la validation de leur droit d’exister.

FARIDA BEMBA NABOUREMA, CITOYENNE AFRICAINE DÉSABUSÉE

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