Coup d’Etat au Niger : Une imprudence au coût exorbitant

En vue de justifier son coup d’Etat, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) tente d’exciter la rue, aux fins de persuader, le monde, que le peuple du Niger le soutient. Il n’en est rien. A chaque manifestation, la junte mobilise l’argent de l’Etat et les outils de l’autorité ; au bas mot, elle dépense 500 millions de francs CFA, dans un pays sous sanctions économiques, avec une inflation inédite et un contexte de faillite de l’économie, sans aucune perspective de payer les salaires des fonctionnaires. Malgré le déploiement et l’utilisation des moyens colossaux, les putschistes peinent à faire sortir 10 milles personnes, dans une capitale qui compte 2 millions d’habitants. Pire, les rassemblements instrumentalisés par les putschistes rallient, essentiellement, des badauds mineurs, des délinquants et autres vagabonds de la capitale. Las de dissiper l’image de leur impopularité, les prétoriens ont refusé, aux partisans du Président Mohamed Bazoum, le droit de manifester, ce dimanche 13 août 2023. Les protestataires furent durement réprimés et certains d’entre eux, mis aux arrêts.

La dernière trouvaille de la junte consiste à faire converger, vers Niamey, de prétendus notables de la religion, accourus du Nigéria, en appui aux ardeurs du Général Abdourahamane Tchani. En réalité, la cohorte des marchands de l’Invisible se compose de salafistes de peu d’envergure. Ils ne sont en réalité que des imposteurs de la trempe du député Sani Boukari dit Zilli la girouette, dont l’avidité et les intrigues n’échappent plus à aucun nigerien. 

Désormais, il ne se prête plus au doute, que le coup d’Etat du 26 juillet est l’œuvre de l’ancien Président Mahamadou Issoufou. Ce dernier harcèle ses affidés afin de les démobiliser du cadre de la résistance en essor. Ses hommes de main, jusqu’ici tapis dans l’ombre de la mutinerie, en sortent, l’un après l’autre. Le député Sani Boukari dit Zilli par exemple, errait entre les coulisses d’Abuja, lors du dernier sommet de la CEDEAO, sans avoir pu capter l’écoute d’un interlocuteur de renom ; le commerçant Gagara Charfo, « porteur d’affaires » de Issoufou et protagoniste du scandale financier au ministère de la Défense (2020), vient d’émerger au milieu de la délégation du CNSP, à Conakry.

La sédition du général Tchiani, bien loin de régler le défi sécuritaire, va plutôt plonger le pays dans le chaos. L’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) se consolide, à proximité de Niamey et y réactive ses cellules dormantes. Les katibas jihadistes profitent, ainsi, des fragilités induites du coup de force ; comme durant la prise de Mossoul, en Irak, les hordes de combattants armées, à motos et à bord de véhicules pick-up, risquent de déferler sur Niamey la capitale la plus proche de l’épicentre des trois frontières. Selon les signes d’alerte précoce, le Niger deviendrait le Kurdistan du Sahel. De ce no man’s land, où la loi du plus fort, la misère et la famine régneront, s’étendra la pandémie du désordre, laquelle n’épargnera les espaces frontaliers, jusqu’au Golfe de Guinée. C’est pourquoi la pertinence impérieuse de précipiter l’échec à la forfaiture du duo Issoufou-Tchiani, relève de la survie de millions d’africains.

La CEDEAO, en sus des sanctions globales, prépare activement l’expédition des militaires. Les Nigériens doivent se rendre à l’évidence, l’intervention de la Communauté n’est pas réductible à une guerre contre la souveraineté et le peuple, comme le prétend la propagande du pire, à coups de montages complotistes, de mensonges et de désinformation industrielle. Non, il s’agit d’une action de pure nécessité, contre une coterie de gradés de bureau qui prend, en otage, une nation entière.

Les leaders de la CEDEAO ont le devoir et l’obligation d’assumer les responsabilités du moment, sous peine d’importer, à leurs insu et dépens, le poison de la discorde et de l’anarchie, avec son lot de réfugiés et de putschs. En l’espèce, la contagion n’est pas une hypothèse mais une quasi-certitude. L’aventure d’un groupe d’officiers véreux tient du péril public, à l’échelle du continent et au-delà. Du Sahel à l’Afrique du Nord, jusqu’aux rives de la Méditerranée, des Etats aujourd’hui stables, endureront leur quota d’exode dont les implications défient la prospective la plus tatillonne. Dorénavant, sans exagération, il est question de chaos, de guerre et de larmes. S’il nous arrive souvent d’entendre et de lire, sur le mode de la distance que confère l’habitude, les mots « paix » et « sécurité », sachons qu’à présent, l’avenir de nos familles et des générations futures se joue au Niger.

D’ici à l’instant de vérité, Mahamadou Issoufou, parrain et éminence grise du braquage de Niamey, s’envole, le 14 août, à destination d’Abuja, plaidoyer en main d’une transition où il s’assurerait le rôle d’arbitre, avalisant, alors, le fait accompli du coup d’Etat. Certes, depuis la nuit des temps, à l’épreuve des intrigues et de la trahison, la doxa populaire s’en prend toujours aux apprentis-sorciers. Fort injustement, elle omet d’évoquer la figure insidieuse du maître…

SAMIR MOUSSA : NIAMEY, NIGER Samir

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